jeudi 24 mars 2016

à propos des 500 000 formations,du chômage et du numérique.

Devant moi un homme dans la cinquantaine, les mains tremblantes, me parlait avec confiance de ces plus de 150 entretiens dans la dernière année, on sentait qu’il avait de la bouteille. Il enchaîne depuis de nombreuses années des CDD et aujourd’hui c’était l’occasion d’avoir accès à une formation pour une remise à niveau. Au sous-sol, dans les locaux d’une société de formation près de l’Opéra Garnier, une quarantaine de personnes sans emploi attendaient pour un entretien personnalisé. Selon le programme envoyé par mail, cela ne devait pas prendre plus de 3 heures 30. Soit 10 minutes par demandeur d’emploi au mieux (deux entretiens se déroulaient en même temps ).



Pour notre homme, les 36 % de bonnes réponses ne semblaient pas l’inquiéter plus que cela : « Moi je ne connais rien au HTML, je suis surtout un spécialiste des bases de données, je maîtrise ACCESS ». On était là pour une remise à niveau avec les demandes du marché du travail donc on ne pouvait pas juger une personne sur ses compétences en bureautique fut-elle avancée. Il y avait toutefois un décalage avec l’objectif de former en deux mois des développeurs et des chefs de projet.

En tout cas, posé là, au milieu de ces cinquantenaires tous présents pour suivre cette formation, quelques jeunes ultras spécialisés, une Algérienne avec une maîtrise d’informatique en poche récemment arrivée en France suite à son mariage et deux ou trois de femmes au zénith de leur vie. Cette population arrivée en avance, répondait dés 8 h 30 à l’appel. Comme à l’école, un conseiller ou un commercial de l’organisme de formation pointait sur sa liste de plusieurs pages. Surpris par le nombre de personne qui arrivait répondu présent, il préférait prendre de l’avance. Arrivé à une petite trentaine, il nous a emmenés dans une salle de 26 places. Certains étaient assis au bord des rangées d’ordinateurs, dans le couloir.

La présentation commence :
« Comme vous savez, il y a un plan pour proposer 500 000 formations..»  Après une courte présentation de la société de formation dans le cœur du chiffre d’affaires est réalisée avec des formations certifiantes. On arrive très vite à l’état d’esprit que doivent avoir les candidats :
« Dans notre sélection, nous ferons attention aux personnes que nous recruterons, parce que nous sommes évalués sur les retours à l’emploi. Nous vous remettrons une attestation qui aura une valeur sur le marché du travail. »
Toutefois, il a souhaité rassurer en expliquant qu’il est possible de faire une formation plus longue et certifiante :
« Les diplômes sont des certifications du ministère du Travail. Mais cette formation est sur l’actualisation de compétences. »

Pourquoi, comment une formation de deux mois pouvait faire concurrence à une formation de plus de 9 mois ? On ne sait pas. Mais d’autres inquiétudes ont rapidement fait surface, et les questions ont fusé :
« Est-ce que la formation est utile ? Parce que les annonces demandent des années d’expérience. J’ai un peu peur que ça ne serve à rien. On demande mon âge dans l’entretien. »
Un silence de notre commercial... La vacuité à l’état pur. Il avoue alors :
« De toute manière que vous le fassiez ou pas ça ne change rien. Mais je suis d’accord 300 h n’est pas suffisant. On est contraint par l’appel d’offres de proposer 300 h. »
Notre chômeur informaticien est arrangeant et continue à espérer que Pôle Emploi avait proposé là une sorte de botte sécrète pour faciliter le retour à l’emploi. Il reprend :
« Non je pense que cette formation est bien, mais est-ce que ça changera le point de vue des entreprises qui font attention à l’âge. »
La réponse est une vraie réponse. De ces réponses qui font froid dans le dos, parce qu’elle vous confronte à une certaine réalité. L’espoir n’est pas permis. Notre commercial-consultant assène :
« Il y aura dix candidats retenus pour 65 candidats. » Comme pour s’excuser et transférer la responsabilité de cet écrémage sur le rôle de la région et de Pôle Emploi, il explique : « Les financeurs auront un droit de regard sur la qualité de formation. »