mercredi 14 octobre 2015

"N'apportez pas votre ordinateur"

Hier, j'ai fait un atelier d'écriture. Interdiction d'apporter son ordinateur.
Voilà.
Deux textes en sont sorti. Le premier est un exercice de regard et de créativité avec un soupçons de contraintes :


L'extrait de texte venait d'une pièce de théâtre écrite par Bernard-Marie Koltès : « La nuit juste avant les forêts ».

Ça a donné ce texte dans lequel j'ai souligné les contraintes :

J'aime tellement ce quartier. Avec cette drôle de lumière, celle sans doute de la tombée de la nuit, ces néons rouge, vert et bleu de ce bar qui garde l'entrée de la rue Dénoyez. Une allée bien vide ce soir. En  arrivant à l'embouchure de ce musée dans la rue, j'ai vu ces deux hommes, installé autour de bières, parler d'un camarade  mal installé dans la vie. L'un des hommes à la barde de deux semaines racontait : « À un moment, il n'avait pas d'électricité, il n'avait pas de machine à laver. Heureusement que le chauffage de l'immeuble  était collectif ». Sous le coup de poing américain rose de la fédération française de Fist Fucking, l'histoire de ce pauvre type paraissait terrible. Espérons que ce n'était qu'une chambre pour passer la nuit. Heureusement la scène était égayé par deux RRoms  qui jouait à la trompette "Que sas, que sas" sauvé sans doute par le tambourin  le morceau retentissant dans une rue inhabituellement vide.

Le trompettiste et son comparse percussionniste avaient tout pour faire le spectacle avec comme fond de scène un graffiti inspiré de Mondrian, le tableau était parfait. Il aura fallu pourtant qu'un jeune homme avec une casquette rouge énorme lui donne pour quelques pièces pour qu'ils cessent de rendre méconnaissable ce morceau pourtant si connu.
Un peu plus loin comme pour prendre le relais, ils restaient d'autres notes de musique dans le restaurant "Au soleil de Tunis" juste assez pour réchauffer l'ambiance.

C'est un petit texte, écrit d'une traite sur le coin d'une table de café. J'avais pris des notes, des images sous forme de phrases notées ici et là.
Après avoir écouté les phrases des autres membres de l'atelier, avec des inspirations et des styles tous plus différents les uns que les autres, nous avons entamé un dernier exercice. C'était exquis d'être là à partager gratuitement, sans obligations et en toute liberté.

C'était l'objet de la dernière partie de l'atelier: écrire librement et laisser le papier accueillir les mots.

Accueillir des mots sur la page blanche. Les recevoir, les attendre, les recueillir pour les planter ailleurs. Puis les dédoubler, les copier-coller, d'une image à l'autre. Des mots pour raconter soi à travers l'autre, soi à travers l'autre personnage. Se souvenir qu'on aime les personnages et qu'il y a une armée qui attend comme au guichet de Pôle emploi qu'on leur trouve un emploi, une scène. Des maux qui trouvent leur personnages et qui en feront toute une histoire. Des éclats d'âme meurtri ou pas mais plutôt en souffrance d'un horizon. Ils sont là, ticket à la main, les mots attendent  leur entretien devant un agent. Il sera pour l'occasion un agent d'entretien. 
“Bonjour”, “Installez-vous”, “Quel est votre matricule ? ”
L'agent  conseiller regardera sur son ordinateur le profil du mot.  Qu'a t'il fait ? Qu'en a pensé le précédent agent ? Quel est le projet professionnel de ce mot ? Comment  se fait-il  qu'il n'a pas trouvé d'usage depuis tout ce temps ? Le mot se pose des questions d'ailleurs : est-ce que le temps est venu pour lui ? Est-ce qu'il va aller remplir les pages de sites Internet qui ne servent à rien ? Ou bien va-t-on lui donner enfin, un livre, un lieu, une page , une phrase dans lequel il  aura enfin un sens.


C’était juste pour le plaisir d'écrire. Est-ce que pour autant ça aurait été différent avec un ordinateur. Non sans doute. Le plaisir est là, quelque soit le support. Juste, sur un ordinateur, il y a un nombre incalculable d'excuse pour procrastiner ou ne pas écrire de peur de mal le faire.